
Le gel de l’aide humanitaire américaine, annoncé en février par l’administration Trump, menace de fragiliser davantage le système de santé haïtien, déjà mis à rude épreuve par une crise socio-économique et politique persistante.
Parmi les secteurs les plus affectés, la lutte contre le VIH/Sida est particulièrement vulnérable. Haïti, qui bénéficiait du soutien du programme américain PEPFAR, risque de voir les progrès réalisés ces dernières décennies remis en cause.
Une situation alarmante pour la santé publique
Selon les données de l’Onusida, Haïti est le pays le plus touché par le VIH dans la région caraïbe, avec plusieurs milliers de personnes vivant avec le virus. Grâce au financement du PEPFAR, des progrès significatifs avaient été enregistrés dans l’accès aux antirétroviraux et à la réduction du taux de transmission. Cependant, avec la suspension de l’aide américaine, les structures médicales haïtiennes font face à une pénurie de matériels, une diminution du personnel soignant et des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement des médicaments essentiels.
Winnie Byanyima, directrice de l’Onusida, a mis en garde contre une recrudescence de l’épidémie, comparable à celle des années 1990 et 2000, si aucun financement alternatif n’est trouvé. Elle a appelé les autorités américaines à revenir sur leur décision et à rétablir leur soutien aux programmes de lutte contre le sida à travers le monde.
Haïti en première ligne
A Port-au-Prince, les conséquences de la suspension de l’aide sont déjà visibles. Plusieurs centres de santé communautaires qui dépendaient des fonds du PEPFAR ont réduit leurs activités, laissant des milliers de patients sans accès aux soins. La situation est d’autant plus critique que le système de santé haïtien est structurellement fragile, avec des financements limités et une capacité de réponse souvent insuffisante face aux urgences sanitaires.
Le gel des activités de l’USAID dans le pays ne touche pas seulement la lutte contre le VIH/Sida, mais également d’autres programmes essentiels en matière de nutrition, de vaccination et de lutte contre les maladies infectieuses. L’effet en cascade de cette décision risque d’aggraver la situation humanitaire dans un pays où plus de 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Quelle solution pour pallier le manque de financement ?
Face à cette crise, l’Onusida et d’autres partenaires internationaux appellent à une transition vers l’autonomie financière des programmes de santé, et particulièrement en Haïti. Toutefois, sans soutien budgétaire de la part de nouveaux bailleurs de fonds ou de solutions innovantes pour mobiliser des ressources locales, cette transition semble difficile à court terme.
Le gouvernement haïtien est appelé à renforcer ses efforts en matière de mobilisation de fonds, notamment en sollicitant l’appui d’autres partenaires internationaux comme l’Union européenne, le Canada et les Nations Unies. De leur côté, les organisations de la société civile plaident pour une meilleure coordination des ressources et la mise en place de fonds nationaux d’urgence pour garantir la continuité des soins.
Un avenir incertain
Alors qu’aucun autre partenaire n’a pour l’instant annoncé vouloir combler le vide laissé par le retrait américain, l’avenir de la lutte contre le sida en Haïti reste incertain. La suspension du financement du PEPFAR risque de compromettre des années de progrès, mettant en danger la vie de milliers de patients et compromettant les objectifs de l’Onusida visant à éradiquer l’épidémie d’ici 2030.
En attendant une issue favorable, les professionnels de la santé et les organisations locales redoublent d’efforts pour maintenir les services à flot, mais le temps presse. La communauté internationale, et en particulier les décideurs américains, devront bientôt faire face aux conséquences de cette crise qui pourrait à nouveau plonger le monde dans une épidémie incontrôlable.