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29 novembre 1987- 29 novembre 2025 : 38 ans après, l’avertissement demeure

Le 29 novembre 1987 reste gravé comme l’une des journées les plus meurtrières de la fin du XXe siècle en Haïti . Ce jour-là, alors que la population s’apprêtait à participer aux premières élections véritablement libres de l’ère post-duvaliériste, la violence coordonnée de groupes armés abattit la démocratie et plongea le pays dans l’horreur . Trente-huit ans plus tard, cette date demeure une blessure ouverte et un avertissement toujours actuel.

*Une montée des tensions*

Au début de novembre 1987, le climat politique était déjà lourd. L’article 291 de la Constitution du 29 mars 1987, qui interdisait la participation des anciens collaborateurs du régime Duvalier, avait provoqué la colère de plusieurs forces rétrogrades. Très tôt, elles multiplièrent les menaces et les actions de sabotage.

Dans la nuit du 2 au 3 novembre, la maison d’Emmanuel Ambroise, membre du Conseil électoral provisoire (CEP), fut incendiée. Quelques jours plus tard, l’imprimerie Le Natal, chargée des bulletins de vote, subit le même sort.
Le 22 novembre, le marché Salomon partit en flammes, avant que des Bureaux électoraux communaux ne soient attaqués et détruits dans l’Artibonite.

Le 28 novembre, un barrage à Saint-Marc bloqua l’acheminement du matériel électoral vers le grand Nord. Un camion transportant des bulletins y fut incendié. Pendant ce temps, le Conseil national de gouvernement (CNG), dirigé par le général Henri Namphy, interdisait le transport aérien du matériel.
Tout indiquait que des forces puissantes refusaient de laisser s’exprimer la souveraineté populaire.

*Ruelle Vaillant : le massacre*

À l’aube du 29 novembre 1987 , des centaines d’électeurs patientaient dans la cour de l’École nationale Argentine Bellegarde, à la ruelle Vaillant. L’atmosphère était chargée d’espoir : enfin, Haïti semblait prête à tourner la page de la dictature.

Vers 6 heures, un commando d’une soixantaine d’hommes lourdement armés fit irruption. Les assaillants ouvrirent le feu sur la foule, puis pénétrèrent dans les salles de classe, transformées ce jour là en bureaux de vote, pour poursuivre leur œuvre de mort, utilisant armes à feu et armes blanches.

Le bilan fut terrible :
des dizaines de victimes dans la capitale de Port-au- Prince, notamment à l’avenue John Brown (Lalue) ; près d’une soixantaine de morts dans l’Artibonite ; un nombre indéterminé de blessés à travers le territoire national.

Face à l’indignation nationale, le CEP fut dissous . Et le général Namphy, dans une phrase devenue tristement historique, déclara : « La bamboche démocratique est finie ».

*Une transition brisée*

Pour la première fois depuis des décennies, l’armée perdait le contrôle direct d’un processus électoral. Les attaques du 29 novembre ne furent pas des actes isolés, mais le résultat d’une convergence de forces hostiles : groupes paramilitaires macoutiques ; élites réactionnaires ; secteurs militaires ; intérêts externes inquiets de la montée de Maître Gérard Gourgue, considéré comme un candidat trop proche du communisme et menaçant pour le statu quo. Ces forces conjuguées décidèrent d’étouffer la transition démocratique dans le sang.

*Un avertissement pour aujourd’hui*

Trente-huit ans plus tard, Haïti se trouve à nouveau à la croisée des chemins. L’État est largement effondré, l’insécurité ravage le pays, et les perspectives d’élections crédibles demeurent incertaines.
Dans ce contexte, le 29 novembre 1987 nous rappelle une vérité essentielle : sans institutions fortes, sans sécurité réelle et sans volonté politique d’imposer la transparence, aucune élection ne peut être source de stabilité.

Plus qu’un souvenir malheureux et douloureux, le 29 novembre 1987,38 ans après ,doit être considéré comme un signal,un appel à revisiter un moment affligeant de notre histoire récente pour rompre, enfin, avec les forces qui vivent du chaos.

Pierre Josué Agénor Cadet

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