Le 14 août est bien plus qu’une date historique. Il marque la cérémonie du Bois Caïman de 1791, moment où des esclaves venus de toutes les régions d’Haïti ont uni leurs forces pour résister à l’oppression. Cette cérémonie a symbolisé la dignité, l’unité et la volonté de liberté. Malgré les différences culturelles et linguistiques, ces hommes et ces femmes ont compris que seule la solidarité pouvait renverser le joug colonial.
Le virus de la division et de la haine de soi
Malheureusement, après l’indépendance, ce même peuple a été confronté à un virus silencieux mais dévastateur : la division interne. Comme le disait le Dr François Duvalier, « Depi nan Guinen nèg rayi nèg ». Ce poison, enraciné dans l’histoire de l’esclavage et renforcé par des siècles de domination coloniale et d’exploitation, nourrit la méfiance, la jalousie et la haine mutuelle. Ces sentiments ont affaibli notre nation et ont permis à certains intérêts étrangers et locaux de prospérer aux dépens du peuple haïtien. Aujourd’hui encore, cette dynamique continue de fragiliser notre société, ralentissant le développement et sapant la cohésion nationale.
Estime de soi, argent et pauvreté
John Hope Bryant nous rappelle que la pauvreté ne se limite pas à l’absence de ressources matérielles. Elle naît surtout d’une faible estime de soi, d’un manque de confiance collective et de l’absence de modèles inspirants. Lorsqu’un peuple doute de sa valeur et se méfie de ses membres, il devient incapable de s’organiser pour progresser. En Haïti, cette pauvreté psychologique se manifeste par des comportements autodestructeurs, des divisions internes et la reproduction de schémas négatifs.
Bryant insiste sur le fait que la liberté économique est un élément central de l’autodétermination. Comprendre l’argent, savoir l’utiliser et le faire fructifier est indispensable pour sortir du cycle de pauvreté. En renforçant l’éducation financière et l’entrepreneuriat, Haïti peut restaurer la dignité de ses citoyens et reconstruire une estime de soi collective qui dépasse la méfiance et la haine.
Réunir histoire et éducation pour les générations futures
Pour guérir notre peuple, nous devons transmettre aux jeunes une connaissance complète de notre histoire. L’école et les institutions éducatives doivent enseigner non seulement les événements historiques, mais aussi les valeurs qu’ils incarnent : la solidarité, la résilience et la dignité. Comprendre la grandeur de nos ancêtres et les erreurs de l’après-indépendance permettra aux nouvelles générations de se libérer des cycles destructeurs et de construire une conscience nationale forte et fière.
Valoriser les modèles et le mentorat
Les jeunes Haïtiens ont besoin de modèles positifs et inspirants. Les leaders communautaires, entrepreneurs, artistes et scientifiques doivent incarner les valeurs de coopération, de responsabilité et d’excellence. La mise en avant de ces figures dans les médias et les programmes communautaires permettra aux jeunes de se projeter dans un futur constructif, où la jalousie et la méfiance n’ont plus leur place.
Développer la confiance et la solidarité
Pour reprogrammer notre mental collectif, il faut créer des espaces où la collaboration et le respect mutuel sont cultivés. Clubs de débat, ateliers entrepreneuriaux, programmes culturels et initiatives communautaires sont essentiels pour renforcer la confiance entre citoyens. Les élites et dirigeants doivent prendre conscience de leur rôle : inspirer, éduquer et guider, au lieu de diviser et d’affaiblir la société.
Restaurer l’autonomie et la dignité nationale
La reconstruction d’Haïti passe par l’éducation, le développement économique local et la valorisation des talents. Les citoyens doivent pouvoir exercer leur liberté économique et comprendre leur pouvoir de transformation collective. Chaque Haïtien doit devenir acteur de sa vie et du destin du pays, capable de se soutenir mutuellement plutôt que de se détruire.
Conclusion : l’unité comme clé de la survie
Le Bois Caïman nous enseigne que l’unité est la force suprême. Pour que Haïti se relève, il faut guérir le virus de la division et transmettre aux générations futures la fierté, l’estime de soi et la solidarité. La vraie indépendance ne se limite pas à la fin de la domination extérieure ; elle commence dans nos cœurs et nos esprits, lorsque nous choisissons de nous respecter, de nous soutenir et de reconstruire notre nation ensemble.
En ce 14 août, célébrons non seulement nos ancêtres mais surtout leur vision d’un peuple uni et libre. Haïti a le potentiel de renaître, mais seulement si nous guérissons d’abord l’esprit de notre peuple.
Port-au-Prince, 14 août 2025
Joseph Georges DUPERVAL
Coordonnateur Général
BATON JENÈS LA